Un sujet dont on ne parle pas assez à mon goût, et sur lequel j’ai de plus en plus de choses à dire…
On parle souvent des caméras de surveillance dans les rues, des panneaux publicitaires sur les murs, du harcèlement dans les transports.
Mais on parle trop peu d’à quel point les gares sont un point de centralisation de la surveillance de masse, du conditionnement et de la soumission au capitalisme, de l’organisation de l’exploitation des masses.
Pourtant, qu’on travaille, qu’on étudie ou qu’on ne fasse rien de «productif» d’un point de vue capitaliste, c’est-à-dire seulement des choses véritablement productives d’un point de vue social, on est régulièrement amenez à prendre les transports.
Et les transports en commun, ils vont d’une gare à une autre en passant par pleins d’autres gares. C’est l’endroit parfait pour se détendre et se changer les idées de sa journée de travail… dans un monde idéal. Et pour se faire propagander la gueule, surveiller et voler ses données personnelles et ses sous dans un monde capitaliste.
Analysons géographiquement tous les outils d’oppression qu’on peut trouver dans une gare. Pour cela entrons mentalement à l’intérieur d’une gare (je n’y suis pas physiquement en écrivant cet article mais je visualise parfaitement plusieurs gares que je connais et que je vais décrire).
Chapitre 1 : Horaires, publicités et caméras
La première chose que l’on voit en entrant dans une gare c’est l’heure. L’heure est omniprésente autour de nous pour nous rappeler qu’on est en retard. Il y a en général une grande horloge qui a été gardée à but décoratif et n’est parfois même plus à l’heure, et un panneau électronique utilisant des logiciels adobe bourrés de bugs pour afficher les horaires des trains.
Ensuite on voit les panneaux publicitaires papiers et les écrans publicitaires samsung. Déjà rien que là ils ont fait du progrès (sic) niveau surveillance puisqu’ils ont inventé des objets qui ont la double fonction de nous pourrir le cerveau avec des publicités ciblées et de nous filmer les yeux en permanence pour essayer de lire dans nos pensées.
Niveau yeux qui nous regardent, ce qu’on ne voit pas forcément c’est les yeux de l’état, partout autour de nous, les caméras de surveillance, qui font semblant de ne rien voir quand on se fait tabasser par des contrôleurs mais qui envoient immédiatement des bras armés sur place dès qu’on gribouille sur un panneau publicitaire.
Pour le coup je tiens ici à remercier publiquement tous ceux qui recouvrent, enlèvent ou modifient les publicités, transcendant la laideur de la propagande commerciale par un message plus profond, qu’il s’agisse d’un simple «stop pub» ou d’un message politique ou artistique quelconque.
Je n’encouragerais personne à le faire parce que c’est dangereux niveau répression mais je remercie celleux qui ont ce courage.
Chapitre 2 : Le café du dimanche
Ensuite ce qu’on voit dans la gare c’est le magasin Relay qui vend des cafés et des croissants. Il faut savoir que c’est une entreprise privée dont les salariés bossent 7 jours sur 7 et même les jours fériés, ne sont pas payés pendant leurs congés, doivent payer le droit de travailler dans la gare et alors qu’ils rendent un service publique (celui de donner un petit déj à ceux qui sont en retard au taff) et devraient de ce fait être fonctionnaires si la société était cohérente, sont au contraire loin d’avoir les droits garantis par le code du travail. Yeah ! Merci la sncf qui exploite les gens !
Chapitre 3 : Acheter son billet en payant de son nom
Ensuite, on voit les bornes automatiques pour acheter les billets et les guichets fermés. Pourquoi ? Parce que la sncf veut tes données personnelles ! Plus de données personnelles ! Toutes tes données personnelles !
Quand tu veux acheter un billet de TGV, de Ouibus, ou tout autre transport inter-régional, tu peux l’acheter au guichet s’il est ouvert, tu peux peut-être même l’acheter en liquide, mais on te demande quand même ton nom, prénom (prénom d’usage accepté mais à tes risques et périls), date de naissance, sexe, adresse, numéro de téléphone et mail…
Quand tu veux prendre un abonnement on te demande les mêmes infos et on te prend en photo sans te demander ton autorisation au guichet, et on te demande de présenter ta carte d’identité… Le prénom d’usage ici n’est souvent pas accepté pour des raisons arbitraires totalement illégales dépendant de l’humeur de la personne à l’accueil.
EDIT : la carte anonyme existe mais lorsqu’on prend son abonnement l’information n’est pas donnée… JE SUIS GRAVE VÉNÈR !
Quand tu veux recharger ta carte de transport on t’encourage à le faire sur internet (pour que tu te crées un compte en donnant tes données personnelles oh oui plus de data !) ou à la rigueur sur les bornes (en payant par carte) mais surtout pas au guichet en liquide ! Quelle horreur si d’honnêtes citoyens pouvaient prendre tranquillement les transports sans se faire saigner de leurs données personnelles ! Ils risqueraient de ne plus avoir de raisons de faire sauter des gares… Sic…
Si tu veux prendre les transports sans décliner ton identité cela revient à une interdiction de quitter le territoire régional doublé d’un couvre-feu. Parce que prendre les transports en commun sans donner ton nom ça nécessite d’acheter des tickets de transports intra-régional au guichet pendant les heures d’ouverture en payant en liquide… Pas ouf…
Et je ne parle même pas du prix des billets… Les prix variables devraient être interdits.
Et dans la dématérialisation des façons de réserver ses transports il y a aussi la déshumanisation des rapports client/employé.
Chapitre 4 : Doudou perdu
En effet, si tu perds un objet dans le train et que tu vas au guichet demander des infos on te jette à la gueule de façon polie un prospectus disant de faire ta déclaration en ligne, pour qu’ils puissent enregistrer tes coordonnées et la description de l’objet que tu as perdu afin d’avoir toujours PLUS d’infos sur toi.
Si tu veux téléphoner à la petite gare de campagne où arrive le train pour avoir une conversation un peu plus informelle du genre
«allô je viens de perdre le doudou de mon fils
-un doudou ? je regarde si j’en trouve un. serge ? t’aurais pas trouvé un doudou dans le train ?
-j’en ai trouvé deux, ils sont dans l’armoire
-il ressemblait à un lapin ou à un nounours ?
-à un lapin. vous l’avez retrouvé ? merci infiniment
-bon bah je vous le mets de côté, passez le chercher quand vous voulez, je dis à mon collègue de vous le garder»
tu ne peux plus, parce que même sur internet on ne TROUVE PLUS les numéros de téléphone des gares. Tout doit obligatoirement passer par le siège centralisé où le patron dort sur ses bases de données en or massif… ^^ »
Chapitre 5 : les gens qu’on ne voit pas
Continuons notre exploration avec les petits métiers que personne ne voit, de celui qui remplit les distributeurs automatiques à celui qui vide les poubelles, en passant par le balayeur, celui qui met les nouvelles publicités sur les machines, celui qui colle les nouvelles publicités, celui qui enregistre la voix d’annonce, les personnes à l’accueil, (liste ni ordonnée ni exhaustive) etc… La sncf est pleine de métiers à forte pénibilité, invisibles et peu reconnus.
Une pensée pour tous ces travailleurs comme nous tous exploités. Camarades, unissons-nous !
Chapitre 6 : Montée dans le train, le cauchemar ne finit pas
Une fois à bord du train, quand on a échappé au cauchemar des trippés, des dyscalculiques et des dyspraxiques et qu’on a enfin trouvé le bon quai, le bon train, allant dans le bons sens, dans la bonne rame (parfois ils collent deux trains qui ne vont pas au même endroit), tout n’est pas fini.
Ceux qui n’ont pas leur titre de transport sont face à la grande épreuve, celle des contrôleurs à bord du train. À quai encore on peut les semer dans les couloirs, décider de ne pas monter à bord du train ou encore trouver quelqu’autre moyen de s’enfuir. Mais à bord du train, on est piégés.
Et les fraudeurs volontaires (que ce soit par choix militant ou par manque de thune) ne sont pas les seuls à avoir des raisons de se méfier. Ceux qui ont un titre de transport expiré, démagnétisé, qui se sont gourés sur la date, dont le nom/la date de naissance ne correspond pas, qui l’ont perdu, abîmé, jeté machinalement avant de monter dans le train, qui ont un titre de transport de TER alors qu’ils sont dans un TGV ou un titre de transport de Seconde Classe alors qu’ils sont en première, etc…
Et bien sûr tout est fait pour que le plus de personnes possibles se trompent, pour verbaliser et racketter le plus de gens possible.
Chapitre 7 : trouver une place assise
Et les galères ne s’arrêtent pas là. Pour faire plus de profit, la sncf vend plus de billets qu’elle ne possède de places. Du coup quand tu prends le train aux heures/jours de pointe et que tu as un abonnement plutôt qu’un ticket avec une place numérotée, tu te retrouves debout, ou assis au milieu des valises, ou assis par terre dans la flotte au milieu du wagon restaurant…
J’annonce même pas la galère pour certains handicaps physiques…
Chapitre 8 : sécurité à bord du train et conditions de travail
Si ce n’était que tout ce que j’ai énoncé précédemment, les gens ne feraient pas grève, bien qu’il y ait là plus que motif à une grève générale de tous les secteurs (incluant les étudiants, les gens en formation, les chômeurs, …).
Mais il y a pire. Il y a des accidents. Il y a des morts.
Entre les rails qui n’ont pas le bon écartement, les infrastructures qui ne sont pas résilientes aux conditions météo particulières (pluie, vent, neige, etc), les économies sur le cuivre des rails, sur l’aiguillage, sur la qualité de fabrication des trains, sur les moyens humains mis en œuvre…
Entre la pression imposée aux conducteurs, les heures supp, la diminution des acquis sociaux des cheminots…
Le service publique se dégrade de jour en jour. Et il y a des accidents.
Chapitre 9 : Et tout recommence, ou pas…
En admettant qu’on soit entré dans la gare, qu’on ai regardé l’horaire de train, speedé pour acheter son café (trop cher) ou aller dans les WC (payants ! c’est n’importe quoi) afin de pas louper son train, qu’on soit passé en courant avec ses lourdes valises du lundi matin devant les publicités sans les voir, qu’on ai validé son titre de transport à l’arrache et qu’on se soit choppé une amende parce qu’il était mal validé, qu’on se soit assis entre deux valises dans une position d’équilibriste pendant un trajet pleins de cahots et qu’on soit arrivé à temps sans accident à destination sans oublier le doudou de son fils dans le train…
Et bien tout est à recommencer le soir. Et c’est suffisamment déprimant pour que certains choisissent de se suicider dans les transports.
Et mettre des barrières automatiques sur les quais n’y feront rien, parce que c’est le système qu’il faut changer en profondeur.
Métro boulot dodo je dis non.
Refaisons des trains un moyen de transport agréable à prendre. Certaines rames de TER rénovées sont confortables avec leurs banquettes où on peut dormir et leurs WC spacieux. Le wifi gratuit et les prises électriques dans certains cars sont aussi une amélioration non négligeable.
Et puis regarder le paysage défiler par la fenêtre quand on est trippé c’est une expérience inoubliable 🙂
Et le train est un moyen de transport (de voyageurs ET DE MARCHANDISES, merci bien) écologique. J’aime les trains. Mais j’aime pas la sncf.
Luttons tous ensembles contre les institutions qui détruisent nos vies !